Nous les considérons comme des héros, et pourtant, ces personnes ne se perçoivent pas de cette manière. C’est d’autant plus le cas suite à une catastrophe telle que la tempête du 24 juillet, que nous réalisons l’incroyable travail qu’accomplit le Service d’incendie et de secours des Montagnes neuchâteloises (SISMN).
C’est sans soupçonner qu’un événement bouleversera la ville cinq jours plus tard, que Le Tourbillon s’était rendu à la caserne du SISMN le 19 juillet, pour y réaliser “Le Dossier” de l’édition du mois d’août.
Quatre secouristes nous avaient accueillis le sourire aux lèvres ; Nicolas a fait son entrée au SISMN en 2001, lors de la création du service. Électricien et pompier volontaire à l’origine, il est devenu pompier professionnel et s’est ensuite spécialisé comme ambulancier. Coraline, est diplômée depuis 2022, elle a suivi des études d’infirmière afin de devenir ambulancière. Céline, travaille en tant qu’ambulancière depuis 6 ans au SISMN. C’est ici qu’elle s’est formée durant 3 ans après avoir mis un terme à sa carrière en ski alpin. Et enfin Émilie, c’est suite à un CFC d’assistante vétérinaire qu’elle s’est engagée comme pompier volontaire en 2014, avant de suivre la formation de pompier professionnel en 2016 et de technicienne-ambulancière en parallèle.
Les présentations étant faites, entrons dans le vif du sujet et découvrons de plus près ces métiers hors du commun :
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Émilie “c’est une attirance depuis petite, je ne croyais pas que c’était réalisable, car je pensais que c’était un métier d’homme. J’ai démarré la formation de pompier volontaire et comme ça me plaisait beaucoup, je me suis lancée en tant que pompier professionnel.”
Céline “personnellement c’est plutôt arrivé par hasard. Je pensais m’investir dans une carrière sportive et je me suis rendu compte que je ne pourrais pas faire ça toute ma vie. Un jour, une amie m’a dit que son rêve était d’être ambulancière, à ce moment-là je me suis demandé pourquoi je n’y avais jamais pensé. Mais comme j’avais la phobie des piqûres, j’ai pensé que c’était impossible. Par la suite mes parents m’ont encouragée à faire un stage et je me suis rendu compte que les piqûres étaient un problème sur moi, mais pas lorsque j’en fais aux autres.”
Nicolas “en tant qu’électricien je trouvais que la routine s’était installée dans ma vie professionnelle. J’étais attiré par le métier de pompier pour commencer, ensuite j’ai découvert celui d’ambulancier et j’ai croché.”
Qu’aimez-vous particulièrement dans votre travail et, au contraire, qu’est-ce qui est plus difficile à supporter, psychologiquement et physiquement ?
Céline “Ce que j’aime beaucoup, c’est le fait de devoir analyser les situations et comprendre ce qui arrive pour aider au mieux les patients. J’aime aussi l’ambiance et l’esprit d’équipe qu’on retrouve au travail, nous sommes très soudés. Il ne faut pas oublier que nous vivons ensemble durant 24h. Pour ma part, ce qui m’impacte le plus physiquement, ce sont les nuits.”
Nicolas “Ce qui ressort le plus c’est le contact humain. Durant une intervention, il faut savoir créer une relation de confiance, être à l’écoute et rassurer, c’est ce qui me plait. J’adore également la vie en caserne. Le plus difficile pour moi c’est l’impact sur la vie familiale et sociale qui est mise de côté. “
Émilie “J’aime la polyvalence, surtout dans le métier de pompier où nous sommes amenés à faire plusieurs types d’interventions qui ne sont jamais les mêmes, nous ne savons pas quand nous devons partir ni ce qui nous attend, c’est très enrichissant.”
En caserne, nous pouvons compter les uns sur les autres pour parler, être écoutés et nous soutenir mutuellement. De manière plus formelle, lorsque des situations nous affectent davantage, nous pouvons faire appel à des cellules de débriefing. Nous n’avons pas de psychiatre en interne, mais nous y avons accès si besoin. Les loisirs permettent aussi de se décharger l’esprit.
De manière générale, il faut apprendre à se protéger et à prendre de la distance. Ce n’est peut-être pas très sain de créer des liens ou des amitiés suite à une intervention. Nous sommes en contact durant environ 1 ou 2 heures avec les patients, ensuite nous ne les recontactons pas en général. Lorsqu’une famille pleure, nous devons prendre du recul, leur tristesse et leur souffrance leur appartiennent. Une fois que l’intervention est terminée, nous la laissons derrière, ce n’est plus de notre ressort, nous devons repartir et rester opérationnels pour les interventions suivantes.
Parfois, les patients passent en caserne pour remercier les équipes, apporter une carte ou des chocolats. Si nous souhaitons demander des nouvelles ou un diagnostic de certains patients, nous pouvons appeler l’hôpital. Certains d’entre nous aiment le faire, d’autre pas.
À quoi ressemble une journée au SISMN ?
Nous prenons notre service le soir à 19h, nous nous renseignons sur le programme et nous effectuons le contrôle des camions et des ambulances. De 8h à 12h et de 14h à 17h, nous nous occupons de l’entretien des ambulances, des appareils respiratoires, de la désinfection du matériel, du contrôle des dates de péremption, du nettoyage des locaux de la caserne, des travaux de rénovation… Nous sommes en pause de 12h à 14h, nous mangeons toujours ensemble. Chacun·e notre tour nous préparons à manger pour tout le monde. Durant l’après-midi, nous avons de l’instruction et nous sommes à nouveau libres de 17h à 19h. Lorsque nous parlons de “temps libre”, nous restons bien entendu en caserne, prêt·e·s à partir en interventions.
Nous avons également une salle de sport à disposition dans nos locaux. Les corps sont mis à rudes épreuves et pour prévenir autant que possible les blessures, des exercices de renforcement musculaire et d’assouplissement sont dispensés le matin par deux coachs.
Dans la semaine, le temps de travail s’organise de cette manière ; nous sommes de service durant 24 heures et ensuite nous avons 48 heures de congé. Chez les pompiers, nous avons 48 heures de piquets tous les 2 à 3 services. Nous sommes chez nous, mais nous pouvons à tout moment être rappelés en caserne. Nous sommes 11 le jour et en semaine, nous sommes 10 les nuits, le week-end et les jours fériés.
Est-ce difficile de concilier vie professionnelle et vie privée dans ce métier ?
Ce n’est pas évident. Nous avons souvent congé lorsque les autres travaillent. Et comme nous prenons nos services en soirée, nous sommes décalés. La vie sociale est un peu chamboulée par ce rythme hors des horaires ordinaires de la société. Mais on s’habitue et ça a aussi ses avantages, comme le fait de pouvoir partir lorsque les autres travaillent. Aujourd’hui, il serait difficile pour nous d’avoir des horaires “standards”.
L’organisation quotidienne est aussi plus compliquée lorsque nous avons des enfants en bas âge. Il n’existe malheureusement aucune garderie en interne, avant, ce n’était pas quelque chose qui se faisait. Tout comme les temps partiels, ça n’existait pas. Nous espérons que cet aspect évolue et que de nouvelles structures ouvrent à l’avenir.
Et si c’était à refaire, choisiriez-vous la même voie ?
Céline et Coraline: “Oui, nous choisirions le même parcours. C’est différent de ce qu’on peut s’imaginer au début dans le sens où l’on se fait une image des métiers d’urgences, avec de grosses catastrophes, de grands accidents, beaucoup de sang… alors que ce n’est pas la réalité de notre métier. Mais sans hésiter, si c’était à refaire, nous le referions. Ce que nous découvrons de ce métier, nous l’aimons encore plus que ce que nous imaginions.”
Nicolas “Oui, je choisirais à nouveau cette profession, mais avec des aménagements pour la vie familiale.”
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent devenir pompier·ère ou ambulancier·ère ?
Coraline: C’est un beau métier, j’encourage les jeunes à s’engager sur cette voie. L’important c’est de faire un stage avant de se lancer. Comme nous l’avons expliqué, parfois nous avons de grosses interventions, comme on peut le voir à la télévision… mais la plupart du temps nous sommes face à des urgences gériatriques, sociales et psychiatriques. Les interventions ressembleront plus à l’appel d’une personne âgée qui est tombée durant la nuit. Cela représente 80 % de notre travail en tant qu’ambulancier.
Quelles études faut-il suivre pour devenir pompier ou ambulancier ?
Pour le métier d’ambulancier, il faut d’abord posséder un diplôme secondaire 2 ou un CFC et avoir 18 ans minimum. Ensuite c’est 3 ans d’école à temps plein ou en emploi. Il existe trois écoles : Genève, Lausanne et Bern. Au SIS nous accueillons des stagiaires et des étudiants.
Pour devenir pompier : il faut également être en possession d’un CFC et ensuite c’est un brevet fédéral qui s’obtient en 1 an et demi d’école. Au SIS nous avons un profil type : tous les pompiers sont également technicien ambulancier. Pour devenir technicien-ambulancier en plus, il faut ajouter 1 an et demi de formation. L’équipage conforme d’une ambulance est formé d’au moins un ou une ambulancier·ière diplômé·e et d’un ou d’une technicien·ne-ambulancier·ère, et éventuellement d’un ou d’une second·e ambulancier·ère diplômé·e.
Les femmes sont-elles acceptées et respectées au même titre que les hommes dans ces domaines ?
Oui, elles ont vraiment leur place à part entière et beaucoup de femmes travaillent au SISMN, c’est vraiment un métier mixte.
Nicolas “Quand j’ai commencé au tout début du SISMN, il n’y avait aucune femme. Elles ont commencé à y travailler à partir de 2015 environ. Ça a apporté une dynamique très positive et bénéfique, tant au niveau de la vie en caserne que pendant les interventions.”
Émilie “Pour ma part, c’était un peu plus compliqué car je suis la première femme pompier au SISMN. Chez les jeunes c’est quelque chose qui était bien accepté, mais d’autres personnes était plus réticentes, j’ai dû faire mes preuves et ce n’était pas évident au début.”
Concernant la population, il n’y a pas trop de problèmes en général. L’obstacle que l’on peut rencontrer, c’est la religion ; parfois les patients préfèrent que l’intervention soit réalisée par un secouriste du même sexe qu’eux. Mais nous sommes généralement des équipes mixtes, nous nous adaptons.
Dans les dernières volées, il y avait 80 % de femme ambulancière. Chez les pompiers, il n’y a pas énormément de femmes pour le moment. Mais les jeunes ne doivent pas hésiter à se lancer, les femmes sont les bienvenues, tout comme les hommes.
Coraline et Céline: Durant les examens d’entrée, nous passons des tests physiques. Que ce soit pour devenir pompier ou ambulancier, nous devons porter un mannequin sur trois étages par exemple et ce sont les mêmes épreuves pour les hommes que pour les femmes. C’est aussi important d’avoir une bonne condition physique pour une question de sécurité personnelle, plus nous sommes en forme, moins nous risquons de blessures, de problèmes de dos, d’articulation, etc. C’est bien dommage de ne pas avoir d’ostéopathe ou de masseur en interne.