Le Tourbillon – Journal officiel mensuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds

Journal officiel mensuel
de la Ville de La Chaux-de-Fonds

sa Seigneurie du Châtelot

C’est un Regards Croisés un peu différent qui se présente en ce mois de novembre. Il ne donne pas la parole à deux générations différentes, mais a un lieu, dans lequel les regards de ses habitants se croisent au quotidien.

Il nous invite à entrer dans l’histoire des maisons de retraite du Châtelot. Zahid Camdzic, joyeux concierge, bienveillant ange gardien des locataires, m’accueille avec un sourire jusqu’aux oreilles.

Le programme est bien rôdé, nous avons rendez-vous avec Madame Andrée Jobin (photo ci-dessus) née en 1923, elle a fêté ses 100 ans le
28 octobre 2023.

Puis nous irons chez Claudine Vuilleumier Droz, qui a sorti sa plume et qui a rédigé elle-même un texte à l’occasion de la visite du Tourbillon. Cette page s’offre donc à son récit. Il chante l’ambiance générale qui règne au Châtelot, les moments vécus et les personnes qui les alimentent.

« Pourquoi ce nom “Châtelot?”

J’ai un peu cherché. La Seigneurie du Châtelot dans les années 1000 et + faisait partie du comté de Montbéliard. On y avait enlevé une forteresse et un village s’y était établi autour et au bord de la rivière, là où s’est construit le barrage.

En 1956 la première maison de retraite s’ouvre à La Chaux-de-Fonds et est porteuse de ce nom, « symboliquement ». Nous serions donc des descendants des habitants de cette Seigneurie ! Quoi qu’il en soit, cette petite communauté de retraités y vit en bonne harmonie et si elle n’a plus de Seigneurs, elle a Monsieur Abbet 1er, suivi de Monsieur Abbet II, concierges honorables. Citoyen de Bosnie, Monsieur Zahid 1er au grand cœur, a pris leur succession.

Des retraités avec des personnalités et des caractères divers vivent en bonne entente. Ils sont tous jeunes de cœur, malgré les difficultés particulières à cette jeunesse ! Difficultés de santé, de mémoire, de maux de dos et de genoux.

Dans cette « Seigneurie » vit une centenaire. Toujours élégante, souriante. Elle marche vivement à petits pas le long des corridors pour chercher le journal dans la boîte aux lettres.

 

Un musicien de jazz, dans son petit bus, s’en va à toute occasion parcourir les villes de France à la poursuite des festivals… Et parfois nous fait l’honneur d’un petit concert.

Une conteuse inarrêtable vit ça depuis 2001. Elle y a perdu son mari, grand travailleur. Fille de paysan vigneron, elle se souvient que son père avait acheté le premier tracteur du canton.

Il y a celle qui connaît tout des montres et des fabriques d’horlogerie, elle y a travaillé une grande partie de sa vie.

Et puis il y a la dame qui sait encore se révolter et qui prévoit de s’attacher à son radiateur car elle ne veut pas quitter son appartement pour un nouveau (on nous promet des changements, l’établissement n’est plus aux normes).

Et notre voyageuse qui pouvait nous faire des histoires sur le tour du monde, comme Philéas Fogg, elle en revient. Mais sans son Passepartout.

Il y a aussi la dame cliente du « Coin Bleu », qui, généreuse, nous a chiné parasols et meubles d’extérieur pour que nous puissions quand même profiter de l’été dans notre jardin, qui a perdu ses arbres dans l’ouragan.

Il y a tous ceux et celles qui se sont dévoués toute leur vie, pour leur famille, la société, le travail… Qui ont roulé leur bosse et continuent chaque jour de se lever, de faire leurs commissions, de marcher, de prendre le train ou de lire, et de s’intéresser aux autres. Nous sommes solidaires, nous sommes une famille, discrète, portant nos histoires de vie dans la grande histoire du monde.

Il y a la crèche et tous les bambins qui chahutent et mettent de la gaîté autour de nous. Il y a ceux qui jardinent et il y a « Madame la reine des roses », épouse de Zahid 1er.

Et surtout, il y a Zahid 1er, qui est toujours là pour nous, pour retrouver ce qu’on a perdu. Pour changer nos lampes, suspendre nos photos, faire briller les sols et nous comprendre. C’est bien mieux qu’un seigneur ou un concierge. Quelqu’un sur qui l’on peut compter. Que ferions-nous sans lui ?

Le Châtelot c’est la vie dans un quartier de la ville. »

Claudine Vuilleumier Droz

En première partie du podcast, Andrée Jobin, entourée de son fils et de Zahid Camdzic, nous accueille chez elle à l’occasion de ses 100 ans fêtés cinq jours plus tôt.

En deuxième partie, Claudine Vuilleumier Droz nous raconte d’où elle a puisé son inspiration pour rédiger le texte présentant Le Châtelot.  Elle nous parle également du permis de conduire qu’elle a passé à 73 ans. Selon elle, “le véritable héros c’est mon moniteur d’auto-école, une personne extraordinaire et bienveillante”. Et puisque la période des fêtes arrive à grands pas, Claudine nous souffle à l’oreille quelques titres de livres qu’elle a lus aux autres locataires et qui ont été très appréciés.

Zahid Camdzic, quant à lui, orchestre ces rencontres avec bonne humeur au rythme d’anecdotes et l’accent chantant. Il nous conte le quotidien et les avantages de vivre dans les appartements protégés du Châtelot, les rénovations qui y sont prévues, la crèche qui est installée au rez-de-chaussée et qui offre des repas afin de ne pas gaspiller la nourriture… On y ressent tout l’attachement et la tendresse que Zahid porte à ce lieu ainsi qu’à ses habitant·e·s.

Quelques livres à découvrir suggérés par Claudine:

Azouz Begag – Le gone du Chaâba

Éric-Emmanuel Schmitt – Oscar et la dame rose

Éric-Emmanuel Schmitt –   Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran

Véronique de Bure – Un clafoutis aux tomates cerises  

Elsa Chabrol – L’heure de Juliette

 

Article, photo et podcast : Sophie Amey