Le Tourbillon – Journal officiel mensuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds

LA DISPARITION DES IMAGES ICONIQUES

Quelle est la dernière photo qui vous a marqué ? Vous savez, celle qui fait le tour du monde pour son message et son impact. Lors du COVID-19, certaines ont marqué les esprits par la vision d’un monde à l’arrêt et vidé de ses habitant-e-s. Par le passé, nombre d’images sont devenues de véritables symboles comme « La Fille à la fleur» de Marc Riboud ou «Déjeuner au sommet d’un gratte-ciel» de Charles C. Ebbets.

Depuis, rien ne semble avoir eu le même effet. Pourtant, les sujets marquants ne font pas défaut lorsque l’on pense à la guerre en Ukraine ou à celle de Gaza. On pourrait citer le pape François en doudoune mais cette image provenait en réalité d’une IA (intelligence artificielle). Ce phénomène d’image iconique semble disparaitre, principalement à cause de deux facteurs : les réseaux sociaux et la montée en flèche des IA. Il en résulte un sentiment qui a changé le regard du public : la méfiance.

Un sentiment inquiétant
Dans cet océan de contenus digitaux, les spectateur-trice-s sont inondés d’informations. De plus, la plupart sont diffusés dans un seul but : obtenir de la notoriété. Il devient alors difficile de dissocier l’intention artistique de la démarche marketing. Les IA n’aident en rien car aujourd’hui, créer une image photoréaliste sans sortir de chez soi est à la portée de tous. Les yeux les plus avertis pouvaient encore faire la différence entre une vraie photo et une image née d’un prompt (ordre donné à une IA) mais aujourd’hui, même les plus affutés se font piéger. Devenu-e-s méfiant-e-s, les spectateur-trice-s suspectent désormais chaque photo de n’être qu’une suite de calculs. S’ajoute à cela un flux constant d’images, qui noie l’attention des spectateur-trice-s. Face à ces tendances, il serait donc naturel de croire que la photographie est amenée à disparaitre.

Un retour inattendu
Alors que les appareils photo d’aujourd’hui se sont défaits des « défauts » de leurs prédécesseurs comme le bruit ou le vignetage, la photographie argentique connaît un regain de popularité, notamment chez la génération Z (Gen Z). Pourtant, la photographie numérique a vu le jour en 1990, cette génération n’a donc pas grandi avec un appareil photo argentique entre les mains. Mais alors pourquoi se tourne-t-elle vers cette pratique d’un autre temps ?

La nostalgie d’une époque
En 2012, John Koenig invente un néologisme : Anemoia. Ce mot désigne un sentiment complexe, la nostalgie d’une époque que l’on n’a pas vécue. La gen Z l’a développé à l’égard de celle de leurs parents et cela s’exprime jusque dans leur rapport à la photographie. L’argentique permet de se reconnecter à une pratique plus authentique et vintage. On cherche même parfois à reproduire les « défauts » de l’argentique sur des images numériques « parfaites » techniquement. Face à cette demande croissante, le producteur de pellicules Kodak a communiqué qu’il compte augmenter sa production. Du côté de la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds, le quatrième étage a été rénovée pour accueillir un secteur spécialisé dans la numérisation d’archives photographiques et la photographie argentique : le STR (Service technique et reprographie). On y trouve notamment un laboratoire photo, permettant à chacun-e de développer ses pellicules ou d’apprendre à le faire.

Damien Robert-Tissot, ancien stagiaire au
Service de la communication

Photos : Damien Robert-Tissot