Les anciens plans de La Chaux-de-Fonds sont des mines d’informations. On y découvre le développement de la ville, mais aussi d’anciens noms de rue. C’est ainsi que l’on apprend que la rue du Progrès s’appelait, jusqu’en 1875, rue de la Grognerie.
La grognerie est l’action de grogner. Mais qui donc grognait pour que cette rue soit baptisée ainsi ? L’histoire tourne autour de l’immeuble appelé le “Petit Paris”, situé aux numéros 2 et 4 de l’actuelle rue du Progrès. Cette imposante maison, construite en 1760, abrite alors des ateliers d’horlogerie et, dans la vaste cave voûtée, des réserves de grains et de foin1. Elle est habitée par la famille Dubois dont les deux fils sont fabricants et négociants en horlogerie. En 1780, les affaires sont florissantes, mais la faillite survient quatre ans plus tard suite à d’importants problèmes de liquidité. Entre 1784 et 1789, ils cherchent vainement à remonter leur commerce. La maison sera vendue en 1789.
Le nom de “La Grognerie”, utilisé pour évoquer cette maison, puis le nom de la rue, ferait écho aux plaintes émises entre 1783 et 1789 par les frères Dubois lors de leur retentissante faillite. L’immeuble, vendu à plusieurs reprises, résiste à l’incendie de 1794. Sa forme actuelle est due à des transformations menées en 1844. Quant aux raisons du changement de nom de la rue, elles sont probablement liées au fait qu’une rue de la grognerie dans une ville en plein essor industriel, en plein progrès, était peu favorable.
Sylvie Pipoz, déléguée à la valorisation du patrimoine
Photo : Alyssa Arricale
Ce texte reprend “Sur les traces de la Grognerie”, une recherche réalisée en 1985 par Michel von Wyss et publiée dans Musée neuchâtelois.