Le Tourbillon – Journal officiel mensuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds

Journal officiel mensuel
de la Ville de La Chaux-de-Fonds

Temps de Mars :
il n’y a plus de saison

C’est l’histoire d’une planète, qui était bleue comme une… comme une quoi déjà ? 

Mars est déjà loin, nous sommes presque en juin. Un printemps sans fleurs, pourtant, et des vents de sable, petit à petit nous rapprochent de Mars, l’orange astre mort. Et si les paysages que nous aimons, les pâturages boisés où affleure le calcaire et se dresse la gentiane, poursuivaient leur mue jusqu’à devenir hostiles ? Et s’il fallait réinventer une manière de les habiter, comme certain·e·s scientifiques imaginent déjà des moyens de coloniser la lune ? Et si la science-fiction était un moyen détourné de parler du présent ?

L’exposition du Musée des beaux-arts propose de déplacer les regards. Il fut un temps où des artistes regardaient les Alpes comme des terres lointaines pour inventer les images de mondes extraterrestres. Peut-être bientôt ne reconnaîtrons-nous dans les tableaux pastoraux du Jura que les vestiges d’un monde disparu ? Est-ce que nous en contemplerons le souvenir nostalgique de la même manière que nous cherchons en promenade les fossiles de la mer jurassique ? Aurons-nous trouvé comment infléchir l’inexorable avancée du désastre ? C’est une randonnée, d’un crépuscule aride à l’aube réenchantée, que propose l’exposition Temps de Mars. Il n’y a pas de solutions toutes prêtes, pas plus que d’injonctions au désespoir.

Juste des œuvres d’artistes qui ont reçu la chaîne du Jura comme territoire en partage et dont le travail — comme celui de tous les artistes — consiste à réinventer notre rapport au monde et le regard que nous portons sur ce qui nous environne.

L’art, c’est peut-être le mercredi après-midi de la vie, le moment où l’on découvre des chemins de traverse, où l’on joue dans les terrains vagues pour les transformer, par la seule force de l’imaginaire, en eldorado. L’école est bien loin, le temps est venu de plonger les mains dans l’humus, de construire une cabane, de sauver des grenouilles, d’écouter le vent dessiner les branchages et de se laver les yeux dans toutes les nuances de jaune et de vert. 

Dimanche 9 juin, l’exposition Temps de mars se termine au musée par une rencontre avec sa curatrice Jill Gasparina. Il y aura des cocktails pour le goûter, on discutera librement de toutes ces histoires, puis on ira au cinéma ABC voir Silent Running (1972), un film de forêts dans l’espace et de robots culs-de-jatte. 

David Lemaire, conservateur du musée des beaux-arts
Photos : Gaspard Gigon