Le Tourbillon – Journal officiel mensuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds
En cinq minutes à peine, la tempête qui a frappé La Chaux-de-Fonds le 24 juillet 2023 a provoqué d’énormes dégâts et fait un mort. Les annales du siècle passé nous rappellent que les forces de la nature ont défié les êtres humains par deux fois sans prévenir.
La fureur destructrice du cyclone de 1926
L’impartial relate:
“Une espèce de nuage noir dérobait la vue de la Grande Poste. C’était un opaque tourbillon de poussière, tel qu’on n’en a jamais vu en notre ville. Puis, la tornade – car c’en était une – passa sur la ville, à une allure folle, soulevant des tuiles, les projetant dans la rue, avec les cheminées des vieilles maisons et brisant de nombreuses vitres et volets. Des enseignes furent pliées. Cela donne déjà une idée de la violence du vent dans les rues. Puis la pluie se mit à tomber en rafales”.
LE TOCSIN SONNE
“Bien que les cloches sonnassent à toute volée, la violence du vent était telle qu’on ne percevait aucun son dans plusieurs quartiers de la ville. Des patrouilles d’officiers de pompiers se rendirent dans ces endroits et alarmèrent la population par des coups de trompette.”
QU’AVONS-NOUS FAIT POUR MÉRITER CELA ?
Madame Gerber et son fils s’étaient rendus auprès de la grand-maman du petit, demeurant à La Sombaille. Lorsque le temps devint menaçant, la mère prit la décision de reprendre la route du retour, l’instinct maternel guidant ses pas.
Ils n’avaient guère fait que quelques pas, lorsque l’horizon sombre et menaçant annonça la colère imminente de la nature. Soudain, la tornade se déchaîna, une force invisible les emporta, les faisant tourbillonner comme de frêles brindilles. Là, dans la main féroce des éléments, mère et fils furent jetés loin de leur chemin initial, précipités dans un champ voisin.
La détresse se peignit sur le visage de Madame Gerber, car son enfant chéri, son petit Fernand, fut arraché de ses bras protecteurs. Dans un acte de désespoir, elle s’élança à sa poursuite, bravant les éléments déchaînés, mais la tourmente redoublait de furie et les bourrasques de vent semblaient se moquer de ses efforts dérisoires.
Enfin, après une lutte acharnée, elle parvint à rejoindre son fils bien-aimé. Hélas, le petit Fernand gisait inerte sur l’herbe, le crâne meurtri et enfoncé. La douleur de la mère était alors aussi profonde que les ténèbres qui s’abattaient sur eux, et son désespoir, immense comme l’océan déchaîné.
Malgré tous les soins prodigués lors de son transport à l’hôpital, l’enfant ne survécut pas, laissant derrière lui une mère brisée par la cruauté implacable de la nature et du destin.
Cette nature n’a ni conscience, ni morale. Elle ne se soucie ni de nous, ni de temporalité, encore moins d’écologie. Elle est tout simplement et nous impose sa volonté.
Combien de larmes versées, combien de cris de douleur ont troublé la quiétude de cet après-midi fatal, où le destin cruel a emporté un innocent, laissant une mère en proie à une douleur éternelle.
UNE RÉGION SINISTRÉE
Les sinistrés sans foyer ont été immédiatement hospitalisés et ont reçu des particuliers ou de la Commune tout l’appui désirable. C’est une chance que la tornade s’est fait sentir avec violence dans des régions peu habitées.
Quelques minutes ont suffi pour que le cyclone dévaste les pâturages dans un axe allant du Gros-Crêt à La Chaux-des-Breuleux.
L’IMPARTIAL PLEURE
“Le mal est fait. Désormais, c’est aux hommes qu’il appartiendra de rebâtir ce qu’en un moment de folie aveugle tu as détruit. Demain, les yeux secs, les lèvres serrées, le paysan posera des étais aux murailles, grimpera sur le toit, pour étendre les bâches. Demain, les bûcherons s’en iront avec la cognée ou la scie déblayer la forêt, faire sauter les racines et ébrancher les sapins morts. On enlèvera les traces du crime. Pendant dix ans, pendant vingt ans, on travaillera à réparer ce qu’un soubresaut de dix secondes a ravagé.”
La tragédie du cyclonde de 1934
“Pauvres gens. Pauvre coin de pays maltraité par un ciel inclément. Comme nous nous sentons près de vous en ces heures cruelles. Et de quel regard de pitié admirative nous avons suivi, tout à l’heure en revenant, ces femmes, ces hommes harassés et qui — lentement courageusement — relevaient les débris de leurs maisons détruites.”
TRAGIQUE DESTIN AUX CONVERS
La fatalité, cette implacable déesse des destins humains, avait tracé une toile cruelle autour de la famille Tschappät.
La ferme de cette famille a été entièrement emportée pièce après pièce.
Et puis, il faut déplorer la mort du jeune René, atteint par un bois alors qu’il se trouvait à une trentaine de mètres de la maison. L’infortuné jeune homme a été touché par un bois long d’une vingtaine de centimètres et de l’épaisseur d’un pouce d’homme. Chassé avec une violence inouïe, ce bois est venu s’enfoncer dans la tête de la victime, derrière l’oreille. Tué sur le coup, effondré à l’endroit même où il avait été atteint.
La fatalité voulut que l’enfant fut retrouvé par son propre père au moment où celui-ci rentrait à son domicile, une fois le terrible ouragan passé.
ON DÉPLORE EN TOUT 4 MORTS
La dernière victime est le pauvre M. Edmond Voisin, âgé de 50 ans et domicilié à La Chaux-de-Fonds. Cette personne s’était rendue dans la région des Foulets, pour y cueillir des champignons. L’orage éclata au moment où il s’apprêtait à rentrer chez lui. N’écoutant que son instinct, il se réfugia sous un arbre, en compagnie de son fils. Il s’affaissa brusquement à la suite d’un coup de foudre. Conduit à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds, on constate que M. Voisin était complètement paralysé. Il décède le lendemain, sans avoir repris connaissance.
UN GROS DÉSASTRE
“Nous savons qu’en plusieurs endroits les ravages ont été particulièrement graves et importants. Ainsi aux Loges et aux Convers, un chaos indescriptible a remplacé les belles maisons du type montagnard et neuchâtelois qui seront, souhaitons-le, reconstruites dans le style, afin de conserver le cachet historique qu’elles possédaient. D’autre part, on se rend compte à mesure que se déroule le film des forêts éventrées et fracassées, que le cyclone de 1934 fut bien aussi terrible et aussi tragique que celui de 1926″.
Dans la journée de dimanche, soit le lendemain du passage de la tornade, c’est par milliers qu’on vint constater l’étendue du désastre. Il y a des automobiles fribourgeoises, vaudoises, bernoises et neuchâteloises. La Compagnie générale des cinémas fait venir sur les lieux l’un de ses opérateurs, qui filme toute la région dévastée.
Un film est conservé au DAV (Département audiovisuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds). Ce dernier pourrait être dû à l’industriel horloger Paul Graef, qui filmait ses loisirs en 35 mm et dont les films sont déposés au DAV.
Fernando Soria, passionné d’histoire