Le Tourbillon – Journal officiel mensuel de la Ville de La Chaux-de-Fonds
Tout le monde a déjà dit, ou entendu dire “je vais chez l’orthophoniste après les cours”… Mais qui connaît exactement les activités et les aides que proposent ces spécialistes ?
Ruth Hynek Hlavizna, orthophoniste et responsable du centre d’orthophonie de La Chaux-de-Fonds, nous a reçus pour nous présenter plus en détail ce vaste domaine.
“Vaste” est le terme approprié lorsqu’on découvre la diversité des cas dont s’occupe le centre d’orthophonie qui couvre tous les troubles du langage oral et écrit.
D’abord, il y a le centre à la rue Jardinière 23, et puis il y a également les permanences qui se déroulent dans les collèges : aux Endroits, à l’Ouest, au collège Cernil-Antoine, à la Promenade, aux Gentianes et aux Foulets. Les orthophonistes se déplacent elles-mêmes afin de permettre aux enfants trop petits, dont les parents travaillent toute la journée et qui n’ont pas encore la possibilité de se déplacer tout seuls, de suivre les séances dans leur collège.
Comment savoir si un enfant présente réellement un trouble langagier, comment assumer financièrement le traitement et comment réagir face à ces problèmes ? Ruth Hynek nous en dit davantage :
Comment se déroule une inscription auprès de votre centre ?
Ce sont les parents, des enseignants ou des médecins qui nous signalent qu’un enfant a besoin de notre aide. Nous rencontrons l’enfant à plusieurs reprises afin d’effectuer un bilan qui nous permet ensuite de poser un diagnostic.
Quels troubles traitez-vous ?
Il existe de nombreux troubles langagiers tels que : des difficultés à faire émerger son langage, des difficultés à écrire, à lire ou à calculer. Le bégaiement, le mutisme, les problèmes de mastication et de déglutition, des troubles de la voix dus par exemple à des nodules…nous nous occupons de troubles très variés au centre, pour les enfants et les jeunes adultes de 0 à 20 ans.
La situation est-elle difficile à accepter pour les parents ?
L’orthophonie effraie beaucoup moins que d’autres secteurs. En général, les parents sont rassurés et sont heureux de trouver de l’aide et du soutien pour leurs enfants.
L’assurance maladie prend-elle en charge les frais ?
Non, l’assurance maladie ne prend absolument pas en charge les frais. Lorsque le diagnostic est posé, un rapport est réalisé par l’orthophoniste. Si le diagnostic entre dans les critères reconnus par L’Office de l’enseignement spécialisé du canton de Neuchâtel (OES), ce sont eux qui prennent en charge la thérapie. L’OES finance maximum 5 ans de traitement. Ensuite, le dossier est analysé et L’OES décide s’il accorde une 6e année de traitement. Pour les autres cas plus légers, qui ne seraient pas pris par l’OES, ce sont les parents et la Ville qui paient.
Durant combien de temps en moyenne est suivi un enfant ?
En moyenne 2 à 3 ans. Certains enfants viennent pour quelques séances seulement et d’autres ont des traitements longs. Beaucoup de facteurs font varier chaque cas, tout dépend du trouble, de l’adhésion de l’enfant au traitement, de l’environnement qui l’entoure, de la collaboration et de l’investissement des parents.
Pouvez-vous nous parler de la problématique des enfants qui passent trop de temps devant les écrans ?
C’est toute une histoire au centre d’orthophonie. En 2018, nous avons mis en place une action de prévention suite à une rencontre avec des pédiatres. Autant de leur côté que du nôtre, nous commencions à nous inquiéter de recevoir des enfants qui avaient de gros retards de langage, voire pas de langage du tout, et qui présentaient des signes de repli sur soi, qui ne jouaient pas, qui énonçaient des mots en anglais sans raison… Nous avons fait cette constatation d’enfants surexposés aux écrans depuis tout petit : à 6 mois certains bébés ont des écrans dans les mains…
Toutes ces inquiétudes nous ont amenées à faire ces actions de prévention. Nous sommes allés dans les centres commerciaux distribuer nos flyers et discuter avec la population, rencontrer les sages-femmes du RHNe, dans les écoles…
Nous parlons ici des téléphones et tablettes principalement. Si nous décidons de passer un dessin animé sur une TV, une fois terminé, il est terminé… Contrairement à une tablette sur laquelle internet est sans fin, l’enfant peut relancer une nouvelle vidéo à l’infini et c’est très addictif. Un enfant ne peut pas se gérer seul. Les jeux sur une tablette ne sont pas palpables, il n’y a pas de sensation, de toucher, de vraie communication. C’est une problématique de santé publique !
Nous essayons de guider les parents, de les conseiller sur les activités à pratiquer avec leurs enfants. Bien souvent, ils ne se rendent pas compte du mal que les écrans peuvent faire. Ce n’est pas évident, nous vivons avec nos écrans au quotidien, mais un enfant n’a pas besoin d’avoir une tablette, ce n’est pas obligatoire. Par exemple, nous ne donnerions pas les clés de l’auto à un enfant de 12 ans… C’est pareil avec un smartphone et un enfant de 3 ans : c’est dangereux, cela provoque entre autres : des troubles visuels, une dépendance psychique, des retards de langage, des troubles d’apprentissage…
Un dernier mot, un dernier conseil ?
Jouez avec vos enfants ! Aller dans la vraie vie avec eux, échangez ! Utiliser le langage qui est la base de la communication, soyez avec vos enfants ! Jouez pour de vrai, pas avec des écrans, mais avec des vrais jeux, des bouts de bois, des puzzles, allez à l’extérieur, faites du bricolage et laissez-les inventer des choses. Laissez votre enfant s’ennuyer de temps en temps, ça fait partie de la vraie vie, il peut se frustrer au début, mais il trouvera rapidement de quoi s’occuper !
Texte : Sophie Amey
Photos et vidéo : Quentin Perrenoud